Le journal du sexe

C'est la critique de Télérama qui m'a donné envie de voir Shame, ce film sur un homme qui ne pense qu’à ça.
Nous y voyons Michael Fassbender jouant superbement Brandon, un jeune cadre sportif au regard bleu magnétique. Mais ce new-yorkais standard est, détail important, mécaniquement déterminé par ses pulsions.
Nous voyons en quoi l’obsession du sexe domine toute sa vie, chez lui, dans ses amitiés, ses sorties, dans le métro et même au boulot, au point de polluer tout son disque dur. Cette obsession n'apparait pas sale mais, au contraire, pure et envoutante.
Comme le résume très bien Courseule dans son com, il s'agit d'un film sur "la solitude des accros au sexe".
Mais voilà, il y a deux histoires dans Shame. Car Brandon voit débarquer dans son appartement Sissy, une mignonne petite blonde, dont nous comprenons très vite qu'elle est sa sœur et qu'elle le dérange beaucoup.
Or, elle va prendre de plus en plus de place dans la deuxième partie du film.
Pourquoi ? Pour le savoir, il faut aller au-delà du malaise que suscite ce film : en quoi ces deux histoires sont-elles connectées ?
En quoi les obsessions du frère sont-elles liées avec les rapports difficiles qu'il entretient avec sa sœur ?
Télérama a tenté de répondre à cette question en prenant au mot le titre du film : la honte.
Un dénommé Louis Guichard nous donne une lecture puritaine du film avec laquelle je ne suis pas d'accord du tout.
J'ai l'impression que c'est lui qui projette ses phobies en imaginant que Sissy veut "faire honte" à son frère.
Selon lui, le metteur en scène ferait preuve de "puritanisme", ce qu'il dévoilerait en punissant son héros dans une chute qui serait ainsi "mélodramatique" !
N'importe quoi !
Non, ce n'est pas seulement, comme le dit Bantilla, les frasques de la soeur qui sont en cause.
Je suis bien plus proche de l'interprétation de Courseule qui note la grande souffrance de Brandon, le héros obsédé, ce qu'elle met en rapport avec ce que les deux personnages ont vécu dans leur enfance.
L'importance de cette relation est en effet soulignée par les dernières scènes de Shame (lesquelles sont loin d'être inutiles à la différence de ce que juge Télérama !).
Mais peut-on écrire comme Courseule que le héros cherche à dissimuler sa vraie vie à sa frangine ?
Plutôt que dans la honte ou dans le désir de se cacher, la clé des pulsions du héros trouve selon moi ses racines dans son enfance et dans la relation torturée qu’il semble avoie eue avec Sissy (incestueuse, peut-être, trouble certainement).
Ces pulsions sont inséparables du fait qu’il nie les femmes comme objet d'amour. Elles l’enchaînent à une consommation maladive d'objets sexuels, ce qui nie virtuellement et réellement le sentiment amoureux pour une femme.
Ce film aborde un sujet grave.
N’est-il pas possible d'élargir le propos de Mc Queen en se demandant si ceux qui brutalisent et transforment une femme en objet sexuel n’ont pas eu quelques problèmes à aimer au mois une femme autant qu'à être aimés par elle ?
Il ne s’agit pas d'excuser les hommes obsédés par le sexe avec une telle explication.
À la différence de « Un homme qui aimait les femmes », le beau film de Trufffaut, le film de Mc Queen nous amène à réfléchir à la responsabilité des hommes qui ne pensent qu’à ça, sentiment qui n’effleure pas le vaste front de Brandon.