Le journal du sexe

Le nouveau film de Jean-Marc Barr et Pascal Arnold, consacré à l'intimité, comporte plusieurs scènes de sexe non simulées. Un exercice périlleux pour les acteurs...
En 2011, Q de Laurent Bouhnik proposait la panoplie complète de l'acte sexuel par Déborah Révy, Johnny Amaro, Gowan Didi, Hélène Zimmer et Patrick Hautier.
En 2009, Antichrist de Lars Von Trier faisait scandale avec des scènes de pénétration et de masturbation réelles. Aux frontières du cinéma X, citons aussi Anatomie de l'enfer de Catherine Breillat où la doublure d'Amira Casar s'envoie en l'air pour de vrai avec Rocco Siffredi et Romance de la même réalisatrice où le toujours vaillant Rocco culbute la douce Caroline Ducey. Ou encore la fellation de Chloë Sevigny sur Vincent Gallot dans The Brown Bunny réalisé par l'acteur lui-même.
Sans oublier enfin la mythique gâterie de Maruschka Detmers sur Federico Pitzalis dans Le Diable au corps de Marco Bellocchio, sorti en 1986. Fantasme de cinéastes, théorisé par le fameux Dogme 95 de Lars Von Trier et Thomas Vinterberg, le flirt entre cinéma traditionnel et porno n'est pas nouveau. Mais à chaque fois, ceux qui s'y sont frottés, à savoir les acteurs, ont connu une petite mort professionnelle.
« Les comédiens risquaient beaucoup. Si notre regard avaient été pervers, si nous les avions exploités pour dire autre chose, leurs carrières étaient finies, ils étaient grillés ! » reconnaît Jean-Marc Barr, soulignant que le désir de Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui est d'offrir une alternative à la perception que donne l'industrie du porno de la sexualité.
Noble intention qui a pourtant entraîner d'immenses difficultés de financement du film, une sortie dans moitié moins de salles qu'escomptées et un interminable casting de six mois où les défections de comédiens se sont multipliées.
Faire jouer des acteurs venus du X ?
« Pas possible au niveau du jeu ! » juge Pascal Arnold qui a toutefois retenu Leila Denio, ex-hardeuse.
Et aucune actrice traditionnelle n'a envie de traverser le désert professionnel qu'aura connu Maruschka Detmers pour une pipe jugée indigne d'une comédienne connue et reconnue. Une résurgence du pitoyable statut qui fut celui des actrices au XVIIIe siècle.
Vue comme une femme légère à mi-chemin entre la mondaine et la prostituée, la comédienne est une débauchée que son art ne sauvera pas de l'excommunication par l'Eglise. Hommes et femmes de théâtre n'ont pas droit au dernier sacrement.
La danseuse Lola Montes, la dramaturge Celeste Mogador, la cantatrice Hortense Schneider, la comédienne Blanche d'Antigny (modèle en partie du Nana de Zola), ou encore la Belle Otero, première vedette de cinéma en 1898 sous l'objectif de Felix Mesguich, ont entretenu la confusion, souvent réelle, entre artistes et courtisanes.

Mais au fil du temps, et non sans mal, les comédiennes ont acquis une légitimité artistique et une respectabilité sociale que plus personne ne conteste. Sauf Megan Fox, au cerveau peut-être trop démonté et remonté par Transformers, qui déclare dans GQ : "Parfois, j'ai l'impression d'être une prostituée.
Les deux métiers sont tout à fait comparables dans leur principe : il s'agit de se faire payer pour simuler le désir et l'amour. Des gens paient pour nous voir embrasser, toucher quelqu'un, et faire des choses qu'une personne qui a une relation monogame normale avec quelqu'un ne ferait jamais avec une autre personne que son partenaire".
Faut-il coucher pour faire du cinéma ? Ne peut-on se satisfaire de « jouer » le sexe comme on mime la mort sur grand écran ? La vérité est-elle aussi exigeante ?
Saluons en tous cas le courage (l'inconscience ?) artistique des jeunes acteurs Mathias Melloul (Pieds nus sur les limaces), Valérie Maël (Alice Nevers, Petits désordres amoureux) Nathan Duval, Adeline Rebeillard, Laetitia Favard (Nathalie), Maylis Amrous, Faustine Dubois etc.
Qu'ils ne soient pas pénalisés, particulièrement les filles plus vite cataloguées que les garçons, d'avoir osé ainsi montrer une sexualité autre que pornographique.
Et comme l'écrit Frédéric Beigbeder dans l'Egoïste Romantique : « Ce qui serait bien, à présent, pour l'évolution de l'histoire du cinéma, ce serait de tourner un film porno où les acteurs feraient l'amour en se disant je t'aime au lieu de tu la sens, hein, chiennasse. Il paraît que cela arrive dans la vie ».
Si le Dark Shadows de Tim Burton promet d'être l'orgasme de cette semaine ciné, les Chroniques sexuelles d'une famille d'aujourd'hui du duo Jean-Marc Barr-Pascal Arnold en est le petit plaisir secret. Comédie familiale différente, le film s'intéresse en effet à la vie sexuelle de ses protagonistes et filme plusieurs scènes de rapports sexuels... non simulées ! Un choix osé pour un film traditionnel mais assez récurent.