Quand je suis arrivée pour la toute première fois dans le quotidien national où je devais travailler pendant onze ans, j'ai appris que François Mitterrand avait une maîtresse avant même qu'on m'indique où était la cantine.

C'était en 1987. Un an avant sa réélection. Toute la rédaction, qui était alors fort nombreuse, savait. Tous les stagiaires qui y sont passés avant et après aussi, de même que toutes les autres rédactions parisiennes.

 Et au cas, où, on n'aurait pas saisi le sel d'une telle révélation, on entendait "Mais voyons, Françoise Giroud n'a pas publié pour rien le Bon plaisir aux éditions Mazarine !"

Comme tout le monde, j'ai gardé ça pour moi, mes amis et ma famille, que ça a beaucoup intéressé. Mais publier quoi que ce soit : jamais. Qui a envie de se suicider professionnellement ? Pas moi en tous cas. Et visiblement je n'étais pas la seule...  

Pourtant, la vie sexuelle des politiques est un sujet de conversation fréquent dans les journaux.

On apprend, sans le répèter que tel a une façon bien à lui d'arranger les soucis fiscaux, que telle autre est nymphomane, que tel encore est hétéro le jour et fréquente les bars gays la nuit. Et, bien sûr, que Untel est "un queutard de première", affirmation prononcée avec une relative admiration.

J'ai même cotoyé un homme politique très en vue, dont la maîtresse n'était autre qu'une journaliste chargé de le "couvrir" dans tous les sens du terme.

Je n'en ai jamais pipé mot et même, là, maintenant, je ne vous en dirais pas plus. Mais tout le monde politique, comme journalistique savait.

Pourquoi ce silence?

 Je ne peux pas répondre pour les autres. Juste pour moi. Ce n'est en tout cas pas parce que j'éprouve de la tendresse pour ces personnages. Mais parce que je n'ai pas les moyens de prouver mes dires.

Si j'étais attaquée pour atteinte à la vie privée, et si je publiais les noms, je le serais, c'est certain, il faudrait que je puisse obtenir des témoignages. Et là, je vous parie tout ce que vous voulez que je me retrouverais bien isolée.

Donc motus et bouche cousue.

 Pourtant de savoir que tel "pense avec sa bite" ou que telle "se tape tout ce qui bouge quand elle ne sniffe pas de la coke" peut avoir son intérêt au moment des élections, afin que les citoyens aient une idée plus précise de qui se présente à leurs suffrages.

C'est en tous cas aussi important que de savoir s'il pratique la chasse ou aime les chiens, détails que l'on obtient sans difficulté.

 Mais le sexe, c'est tabou.

Tabou, parce qu'on ne parle pas de ces choses là. Tabou aussi, paradoxalement, parce que la "révolution sexuelle" de 68 est passée par là.

 Le sexe c'est bien, l'évoquer non, surtout pas ! On passerait pour un puritain. La honte totale...

Et donc, vous ne sauriez rien du "qui baise qui" de nos futurs candidats à la présidentielle.

Comme vous ne saviez pas que Sarko ou Ségolène Royal étaient ouvertement trompés par leurs conjoints de l'époque, en 2007. Vous l'apprendrez après, peut-être, et seulement si les intéressés veulent bien le dire. Sinon, vous n'en saurez rien.

A moins de changer la loi, bien sûr. Mais qui y croit ?

Et vous, que pensez-vous de ce silence sur la vie sexuelle des politiques ?