Un Européen sur deux prétend avoir déjà eu une relation, amoureuse ou sexuelle, avec un(e) collègue (selon une étude du site de recrutement Monster). Le monde professionnel serait-il favorable aux rencontres ? Tout concourt à rapprocher les salariés : mêmes diplômes, mêmes centres d'intérêt, ils passent beaucoup d’heures ensemble et, au travail, on soigne son apparence. Sans compter que le côté aseptisé de la vie de bureau, entre mails et réunions interminables, nourrit le besoin de développer des relations plus proches, voire intimes. Mais le libéralisme amoureux appliqué à l’open-space n’est pas sans risque. La hiérarchie y voit notamment une source de problèmes supplémentaire à gérer. Mieux vaut donc s’imposer un code de conduite strict.

Gardez votre relation secrète

Ne changez rien à vos habitudes, surtout pas vos horaires et ne laissez transparaître aucune émotion. C’est le parti qu’avait pris Nicole Lebrun, négociatrice dans une union de coopératives agricoles, alors qu’elle avait une relation avec un ingénieur : "nous ne mangions jamais ensemble, ou seulement en groupe, n’avions aucun geste déplacé et je faisais très attention de ne jamais parler de mes loisirs", raconte-t-elle. Ces précautions n’ont pourtant pas suffi. L’erreur fatale ? "Lorsqu’on m’a complimentée sur ma nouvelle veste, j’ai dit l’avoir achetée en Turquie. Or, plusieurs collègues savait que mon ami y avait effectué un déplacement professionnel au même moment." Le recoupement a été rapide.

"Pour préserver le secret, il faut brouiller les pistes", estime Muriel, responsable ressources humaines dans la grande distribution.Même si elle reconnaît, avec le recul, avoir suivi ce précepte un peu trop au pied de la lettre. Pendant un an, elle a clandestinement entretenu une relation avec un responsable de magasin. "J’avais tellement peur qu’on me juge partiale dans mes décisions que j’étais plus exigeante avec lui qu’avec les autres. Lorsqu’on m’a demandé mon opinion sur son augmentation, j’ai émis un avis plus réservé que son manager, ce qui a eu une influence à la baisse sur son évolution de salaire."

Coupez court aux rumeurs

Malgré ces précautions, vous risquez, à un moment où l’autre, d’être confronté à des rumeurs qui circuleront sur votre compte. Règle numéro un : ne pas montrer votre gêne. "Ceux qui les propagent souhaitent vous déstabiliser, remarque Jean-Louis Muller, directeur à la Cegos. S’ils n’y arrivent pas, ils finiront par se lasser." Tentez plutôt de vous en sortir par un trait d’humour : "C’est flatteur de me prêter une relation avec un cadre aussi séduisant que Bruno." Mais en réalité, prenez ces informations comme un indicateur et pensez à ce que vous ferez lorsque votre relation sera dévoilée : en parler à votre hiérarchie, y mettre fin si elle vous semble peu pérenne, changer de poste, quitter l'entreprise ?

Evaluez les risques juridiques

D'un point de vue législatif, vous ne risquez pas grand chose. Depuis les lois Auroux de 1982, les entreprises ne peuvent interdire à leurs salariés d’avoir une aventure, ni les muter ou les licencier pour cette raison (loi n° 82-689 relative aux libertés des travailleurs).





En 2004, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ainsi donné raison à une caissière licenciée par son employeur pour avoir entretenu une liaison avec un autre salarié. "Quoi que dise le règlement intérieur, une entreprise ne peut sanctionner une relation amoureuse si elle ne crée pas de trouble caractérisé", précise Stéphane Béal, avocat et directeur adjoint du département droit social chez Fidal.

En revanche, les effets induits de cette liaison peuvent constituer une faute professionnelle. Si votre chef vous surprend dans les bras de l’élu(e) de votre cœur, vous risquez d’avoir des problèmes. Non pas, parce que vous embrassez un(e) collègue, mais parce que vous vaquez à des occupations personnelles sur votre temps de travail. Même chose si vous multipliez les pauses ou les déjeuners à rallonge. Ou si votre couple entache l’image de l’entreprise en raison de scènes régulières devant les clients. En dehors de ces cas de figure, théoriquement, on ne peut rien vous reprocher.

Mesurez l'impact sur votre carrière

Cette liaison peut être un sérieux frein pour votre carrière. Vous ne pourrez pas intégrer le service de votre dulcinée, ni en devenir le manager, même si vous en avez les compétences. Pas de possibilité non plus d’évoluer vers le département RH, car il y aurait conflit d’intérêt lorsque vous traiteriez les dossiers des salariés. Dans certaines entreprises, vous risquez même d’être poussé vers la sortie. "Certains secteurs, comme le conseil, ont un code implicite qui impose à l’un des deux de partir", confirme Rosa Rossignol, directrice de « Carnet d’adresses » (cabinet de ressources humaine).

Temporisez en cas de rupture

Les histoires d’amour au travail finissent mal... en général. Selon un sondage OpinionWay de 2011, deux-tiers des salariés concernés évoquent une relation "furtive". Après rupture, la cohabitation des amants dans l’entreprise est encore moins simple à gérer. Deux collègues qui se regardent en chien de faïence ; un salarié qui, parce qu’il a rompu avec sa supérieure, redoute d’être placardisé ; un manager qui craint que la secrétaire qu’il vient d’éconduire le lui fasse payer en le poursuivant pour harcèlement sexuel...

Pour éviter ces déconvenues, au moment où vous rompez, engagez-vous auprès de votre ex-partenaire à ne pas lui nuire professionnellement. Cela l’incitera à faire de même. Mieux encore, évitez de le côtoyer. Demandez à votre manager de changer de périmètre d’activité ou de réaménager vos horaires. Comme l’a fait une conditionneuse d’une grande entreprise chimique, après sa rupture avec un machiniste. Il était impossible de muter l’un ou l’autre dans un autre atelier, mais la DRH a accepté de les affecter dans deux équipes qui ne se croisaient pas.